lundi, novembre 28, 2005







Ainsi elle m'a fait
Cette femme que tu vois là, Sucrette, elle fut ma grand mère. Je l'ai connu vieillissante, puis vieille, puis sénile et réduite au lit. Je l'ai connu élégante et droite, puis ramassée sur une vieille robe de chambre, les cheveux collés de crasse. Je l'ai vu évoluer dans un salon bien meublé, parfumée au Rive Gauche, des bagues à tous les doigts. Puis je l'ai vu négligée, souillée, repoussante. Je l'ai écouté raconter une vie merveilleuse, écartée entre l'Afrique et la France, puis je l'ai entendu babiller de vague sons.
Mais ma grand-mère a aussi été une mère, celle de ma propre maman. En retrouvant ces photos, tout son passé me reviens. Celui qu'elle a partagé avec moi, celui dont j'ai hérité, l'histoire de ma famille. Et j'imagine sa vie, je l'imagine conduisant une vieille voiture, promenant sa toilette du dimanche dans les rues de Dakar. Cette silhouette fluette défile dans les rues de la kasbah des Oudaya à Rabat, jeune mère loin de son mari. Une petite dame au tein mat et aux regard autoritaire promène ses enfants dans un parc à Bourges ou à Avrillé.
Ce sont les images qui me restent de ma grand-mère, Sucrette. Derrière ces images, une foule de principes, de mots et de traits de caractèr e qu'on peut lirechez moi, par effet de transmarence. Voir ma grand-mère, c'est un peu me comprendre.