Kenavo les bouzeux
Ceux qui sont nés en terre de Bretagne, comme toi et moi, comprendront...
C'est fou de constater à quel point l'enracinement culturel est un phénomène né de l'éloignement. A Nantes, qui fut capitale des Bretons, rappelons-le, je voyais mal ce que pouvait représenter le sentiment régionaliste. Pour moi, le bretonnant portait la barbe et les cheveux longs, chantait Tri Yann dans sa voiture et portait un Tshirt "Gwen ha Du". J'en écoutais, moi, de la musique bretonne, je dansais dans les festou noz, mais de là à me revendiquer breton...
Et puis j'arrive sur Paris, loin de mes repères tout de même, dans une si grande ville... J'ai même envie de parler d'une ville d'urbanité. Bref rien à voir avec mon misérable village et ses 1400 âmes. Un jour je me suis même dit que la rue où je vivais, la rue Meslay, comptait certainement autant d'habitants que mon bourg tout entier. Ca donne la mesure du dépaysement.
Et pour me rassurer, exister, je ne sais pas très bien, je me suis rattaché à tout ce qui symbolisait mon chez-moi ici, à Paris. D'où l'adhésion à la Mission Bretonne, les galettes parties et les festou noz à Courbevoie. J'ai donc découvert ce qu'était l'attachement régionaliste, et il s'agit effectivement de chevelus barbus, écoutant l'intégral de Tri Yann et portant des Tshirts "Gwen ha Du". Alors comment faire, entre l'anonymat destructeur d'une grande ville et le régionalisme exacerbé et décalé, pour se trouver une identité bretonne? On participe à la Saint Yves en criant bien fort qu'on n'est pas un vrai breton, on porte un triskel avec une khamsa... On bidouille avec les différentes facettes de sa culture, on métisse les apparences. Et c'est finalement l'avantage des grandes villes, de pouvoir être breton du Maroc, français d'Oslo ou sénégalo-normand.
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