mercredi, février 01, 2006

La mémoire coupable

Il est 21h45, je regarde Arte, une émission sur la colonisation française. Pourquoi ressenté-je un malaise, un sentiment de culpabilité à travers ces vieux films en noir et blanc montrant des écoles de brousse, des Français aux terrasses des cafés d'Oran, ou des bateaux rompant à jamais leurs attaches en Afrique?
Je suis coupable au nom de la France, comme tant d'autres, et je me sens sale d'appartenir à un pays qui a perpétré le ségrégation. Je vois des images des expositions coloniales où s'exposaient nos bons Noirs, nos braves Arabes, tous sauvages qui trouvaient le salut grace à l'entreprise coloniale française. J'entends les discours raciaux des politiques d'alors, et le peu de résistance à cette injustice.
Et puis je suis coupable au nom de ma famille. Je suis coupable de laisser la cousine de mon grand-père parler de "nègres". Je suis coupable de ne pas réagir lorsque ma mère ma dit combien l'Afrique peut regretter le départ de la France. J'ai passé mon enfance à entendre parler du Sénégal où ma mère a vécu lorsqu'elle était petite. Je n'en gardais pendant longtemps que l'image d'un petit Eden, d'un pays merveilleux où tous, Noirs et Blancs vivaient heureux les uns à coté des autres. Et puis un jour j'ai compris que la vision de ma maman était biaisé, tronquée par ses yeux de petite fille. Ma tante m'avais parlé ce jour là des cours d'histoire où on faisait entrer de force dans les jeunes têtes noires que leurs ancêtres étaient les Gaulois. J'ai alors compris que la vision idyllique de ma mère avait pris quelques distances avec la réalité.
Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir le coeur serré et le regard mouillé quand je vois des images de rapatriements de Pieds-Noirs. De l'arrachement à la terre qui a modelé ces hommes et ces femmes il se dégage un sentiment de gâchis. Des vieilles femmes que l'on voit, en pleurs, débarquant à Marseilles l'air hagard, des enfants qui grandiront dans la nostalgie d'un pays qu'ils ne verront plus, la violence d'un divorce de deux peuples qui avaient appris à se tolérer. Je m'identifie à l'évicération des apatrides, je ressens comme eux l'amputation de leur histroire et de leurs repères. Encore une sensibilité que j'ai du hériter de ma famille, je suppose.