vendredi, décembre 16, 2005

Papa


Vos rapports n'ont été des meilleurs dans un premier temps, mais tu sais ma Sucrette que papa t'a aimé finalement... Passe outre ces mauvaises blagues que l'on t'a faites à la veille de ta mort. Pardonne quand il t'a ramené un vieux carton en disant "Vas-y Sucrette, entre dans ton cercueil!". Oublie que quelques heures avant le rendez-vous chez le vétérinaire il te disputait ironiquement: "Sucrette, si tu ne finis pas ta pâtée, on va te faire piquer". Excuse toutes ces paroles parce qu'elles m'ont tellement fait rire.
Parce que c'est ça papa. Des blagues en veux tu, en voilà. Pas toujours très fines, souvent répétitives. Mais ce qui est fou, c'est que sans ces mauvais jeux de mots, mon père ne serait pas mon père, et que tout ça participe au charme que je lui trouve.
Nos rapports n'ont pas toujours été évidents. Il partait avec un gros handicap affectif, n'ayant pas vraiment grandi dans une famille où la démonstration des sentiments était la règle. Un père qui fuyait son foyer pour le travail, un mère qui dès qu'elle le pouvait retournait dans sa famille et reprenait sa respiration. Le petit bonhomme qu'a été mon père a certainement dû étouffer dans son enfance. Et à l'âge où on construit sa vie, il a certainement tenté de réparer ses fêlures en ce reposant sur ma mère et sur nous, ses enfants. Pourtant, reproduisant les schémas sociaux qu'il avait subi petit, il n'a pas toujours réussi à communiquer avec nous.
Maintenant que j'ai grandi, que j'ai pris du recul par rapport à mon éducation, je vois mon père différemment. Pour moi, il représente le versant le plus profond de ma personnalité. Mes engagements politiques, mon oreille musicale, le goût pour l'opéra, cette retenue des sentiments, je les lui dois. J'ai son idéalisme, son intransigeance, comme lui j'aime Corot et la lumière de ses tableaux. C'est avec lui que j'ai appris à ne pas faire cas du ridicule, à accepter ma part de kitsch. En la matière, l'élève a dépassé le maître. En le regardant aujourd'hui, je comprends d'où me vient cette aversion pour le travail et ce penchant hédonique, cette paresse. La vision critique des choses qui l'entourent, je la partage avec lui.
Plus les années passent et plus je me vois devenir mon père. J'aime assez cette idée.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

non mais sérieux fuck, comment pouvez vous critiquer autant de classe et de beauté, de style et de réussite, tout cela réunit dans un cheveu... Effectivement comme vous avez pu le voir, elle a poussé le brush à l'extrême... It's a complete success to atteindre the NON-vie!!! En effet elle affiche haut et fort ces convictions de ne pas vivre la vie vivante, et tout cela dans un silence télévisuel assourdissant, j'applaudis haut et fort avec les pieds, bravo raphi ta non vie est une réussite...

1:12 AM  

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